Il danse haut dans le ciel. Il virevolte entre les nuages. Il effleure les cumulus, il se retourne et traverse les masses nébuleuses.  Ophiuchus est le roi. Roi dans les nuages, roi solitaire d'un royaume vide. Les oiseaux se cachent, ils ne veulent pas se risquer à virevolter alors que le serpent vert danse. Il soupire. L'ennui le tient, il ne sait pas quoi faire de son grand corps. Il pourrait essayer de toucher le soleil mais il a peur de se bruler. Il se sait moins puissant, il se sait faible face à lui. Ophiuchus né de la Colère reste ainsi à exécuter une danse dans le ciel pour essayer de troubler son ennui.
Les gens parlent. Les gens murmurent faiblement que le démon Ophiuchus survol leurs terres. Ils ont peur, ils craignent cet esprit frappeur. Ils s'agitent doucement. Ils pointent leur doigt vers le serpent vert qui glisse dans le ciel. Ils racontent à leurs enfants de ce méfier du perfide Ophiuchus qui amène la colère dans les cœurs.  
Ophiuchus sent la peur sous son ventre. Elle l'enveloppe, il la sent tel un prédateur chassant sa proie. La rancœur vient aussi se mêler à cette crainte. Il aimerait descendre sur le village. Il aimerait faire taire ces murmures qui lui chatouiller les écailles. Et tel un dragon bestial, il enflammerait les chaumières. Le brasier incandescent illuminerait le crépuscule. Mais il ne peut pas faire ça, il sait que les Terres de Naalyn sont parsemées d'être voulant sa peau. Il connait cette haine destructrice, il aime l'attiser à ses dépens. Mais encore trop jeune pour pouvoir mesurer les conséquences de ses actions, il agit tête baissée. Ophiuchus est ,après tout, la Colère  indomptable et fière. Il aurait aimé naitre d'une autre source. Ophiuchus, le pauvre rêveur, aurait aimé que tant de choses soient différentes. Mais il sait que rien ne peut changer, emprisonné à être Colère, né de la Colère du cœur des hommes.  
Le démon vert survole une petite ferme. Les bœufs sont au pré.  Ils sont nerveux. Ils savent qu'un prédateur se cache. Ils le cherchent d'un regard vitreux. Le fermier trop occupé ne remarque pas l'ombre planer au-dessus de sa ferme. Ophiuchus sourit. Ophiuchus n'est qu'un jeune dragon pas assez futé. Il se délecte d'avance du gout de la viande bovine dans sa gueule. Il s'arrête, il l'a trouvé. Couleur caramel, puissant, les muscles nerveux. Le Bœuf le sait. La peur est en lui. Ophiuchus lui a accentué. Le serpent vert veut le voir terrorisé, paniqué. Il descend lentement de son piédestal nuageux, silencieusement.  Le prédateur démoniaque accélère sa chute, il est prêt à cueillir sa victime.  Le fermier arrête son ouvrage, il regarde le démon arrachait le bœuf désespéré. Il hurle, s'époumone. Il jure qu'il aura sa peau. Car ce n'est pas la première fois. La Colère l'habite. Ophiuchus rit. Le bovin mugit entre ses pattes. Le dragon part à deux lieux de la ferme. Il trouve une colline. Il s'y pose, trônant sur une pierre. Le bœuf se croit sorti d'affaires, Ophiuchus l'étreint délicatement. Il le regarde. C'est lui le prédateur, il n'y peut rien. L'étreinte se resserre. Le bœuf est mort. Le fermier en colère, il prie pour qu'une personne vienne le venger.

     
Trônant fièrement sur son rocher anthracite, le tyran naissant de la population bovine baille. Fatigué après une chasse rapide et réussie, il songe à se plonger dans le sommeil. Mais  il doit d'abord manger. Son estomac se serre et émet un bruit semblable à un gargouillis.  Ophiuchus regarde en salivant le bœuf gisant entre ses pattes. Le dragon vert se redresse lentement, déroulant ses anneaux. Il surplombe son plat.
Quel malheureux, il n'a pas senti qu'un ennemi approchait de lui. Trop habitué à manger en paix et la faim le tiraillant, il ne fait pas attention, il n'est pas méfiant. C'est peut-être cela qui le mènera à la perte.  
Un coup d'épée lacère le dos du lézard. Il ne gémit pas, il ne glapit pas. Les écailles luisantes sont pour lui une armure. Les armuriers aimeraient tellement que leurs armures soient aussi résistantes et aussi légères.  Mais les écailles de dragon sont inégalables, les simples alliages de métaux ne peuvent rivaliser avec elles. Les écailles vertes et noires sont la fierté d'Ophiucus. Le serpent vert se cambre sous le coup de l'épée. Il se retourne lentement pour découvrir l'importun insignifiant qui venait le déranger au moment son repas. Il découvre avec stupeur une humaine rousse. Il se redresse et surplombe la rouquine. Il pousse un grognement guttural. Que doit-il faire ? Ophiuchus a deviné que la demoiselle est une combattante aguerrie.  Il ressent son expérience, une certaine méfiance mêlée à de la confiance. Va-t-il utiliser son écho ? Non, pas maintenant. Le dragon, enfant de la Colère, veut s'amuser. Mais il espère que ce petit intermède sera de courte durée, il a faim après tout. Il balance son corps et essaye de la faucher avec un coup de queue. Puis en bon dragon, rois des Cieux, il s'envole. Il se croit ainsi hors de portée de l'impertinente. Le dragon ne se laissera pas faire et montrera que c'est un ennemi redoutable.